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L'usine à gaz de REIMS

  • Les Amis de Clairmarais
  • 5 janv. 2024
  • 11 min de lecture

Dernière mise à jour : 19 janv. 2024


L'usine à gaz en 1929 (IGN)



L’USINE À GAZ DU QUARTIER CLAIRMARAIS à REIMS


Introduction


Dans le cadre de l’atelier mémoire au sein de la Maison de quartier Clairmarais, un collectif d’habitants du quartier s’est retrouvé pour documenter une activité industrielle du 19ème siècle, un peu oubliée aujourd'hui .

Le quartier Clairmarais, en pleine évolution après un riche passé industriel, se transforme et a généré de nombreuses fouilles pour les futures constructions, mettant à jour des vestiges de l’usine à gaz située dans le secteur rue des Romains et rue du Mont d’arène, sur l’ancienne entreprise EDF-GDF.

Une usine de fabrication de gaz de houille ainsi que des unités de stockage de gaz, appelées gazomètres, se trouvaient sur ces vestiges.


Les recherches ont porté sur :

  • L’historique de l’usine

  • Les techniques de fabrication du gaz de ville et le stockage 

  • Fabrication du gaz de ville à titre expérimental

  • Fabrication industrielle du gaz de ville

  • Stockage et distribution du gaz de ville

  • Démonstration expérimentale d’un gazomètre

  • La fin de l’usine à gaz



I – L’historique de l’usine à gaz 


Pour renforcer la sécurité dans les rues le soir venu, les élus locaux ont souhaité remplacer les réverbères fonctionnant à base d’huile de colza, peu performants, par le gaz d’éclairage issu de la houille (procédé découvert notamment par le Britannique William Murdoch) résultant de la combustion du charbon en vase clos à l’abri de l’oxygène, dans des cornues.

Ce gaz d’éclairage était en plein développement à Paris, Lille, Le Havre, Lyon, Amiens, Bruxelles, Londres. C’est ainsi qu’en 1838, la Compagnie de Rheims (société pour l’exploitation d’une usine à gaz à partir du charbon) dirigée par M. Martin et Peysson, proposa d'acheter un terrain un peu en dehors de la ville côté ouest, délimité par la suite par les rues qui allaient s’appeler rue des Romains, Mont d’Arène, Courcelles et Vernouillet (aujourd’hui rue Edouard Mignot) dans le quartier Clairmarais, et ce pour construire une usine qui produirait donc un gaz pour l’éclairage public dans un premier temps.

L’endroit fut choisi car proche des futures voies ferrées (à l’arrière de la gare) qui étaient à cette époque à l’étude.


Pour mémoire, dans la première partie du 19e siècle, les maires successifs de Reims : Florent Simon Andrieux, Augustin de Saint-Marceau, Léonard Plumet-Folliart, ont tous souhaité raccorder la ville au réseau fluvial national sur l’axe Méditerranée – Mer du nord (ouverture du canal en 1848 et au réseau ferroviaire français via Epernay en mai 1854 par l’ouverture de l’embarcadère ferroviaire).

La gare telle que nous la connaissons aujourd’hui n’a été inaugurée qu’en 1860. L’essor considérable de l’industrie lainière vit la population rémoise passer de 30 000 habitants vers 1820 à 100 000 à la fin du 19e siècle.


La compagnie de Rheims proposa de construire 6 km de canalisations et 4 000 réverbères pour éclairer une trentaine de rues dont la place de la Mairie et la place Royale. Mais en juin 1839, M. MARTIN et PEYSSON de la compagnie de Rheims déclarent qu'il leur est impossible d'exécuter le projet qu'ils avaient envisagé.

Vers 1840, la ville de Reims établit un cahier des charges pour réglementer cet éclairage et pour poser les tuyaux d’alimentation du gaz dans les rues et avenues.


Le projet sera repris par une autre compagnie dirigée par M.GOSSE père et fils et HASELDEN. Le 16 septembre 1841 une enquête commodo-incommodo est lancée pour cette usine à gaz de houille dont le nom de la COMPAGNIE LYONNAISE commence à apparaître. Elle est située au même endroit, au 1 rue des Romains.

Un procès établi contre la compagnie a eu lieu en 1845. Le litige concernait la modification d'une durée d'éclairage. Cela pourrait prouver l’existence de cette compagnie.

En 1851, la Compagnie Lyonnaise prit le relais, à la suite d’un décret accordé et signé par Louis Napoléon Bonaparte le 28 avril de cette même année. La ville de Reims signa un contrat avec elle en 1852, pour une durée de 20 ans, tout en lui cédant un terrain pour son extension. Vingt ans plus tard, en 1872, le maire Jean-Baptiste Langlet prolongea la concession jusqu’au 1er janvier 1913 à la Société civile d’éclairage par le gaz dont le siège était à Lyon. Mais dans les faits, c’est une multitude de sociétés qui se succédèrent jusqu’à la nationalisation de toutes les compagnies gazières privées en France le 8 avril 1946. 


À partir des années 1860-1870, la production du gaz d’éclairage était en plein essor à Reims du fait de la proximité de l’usine avec la voie ferrée toute proche.

 Cela permettait l’approvisionnement de la houille directement dans l’usine grâce à un branchement ferroviaire qui reliait les cases à charbon situées à côté des fours et de ses deux cheminées. 


En parallèle, d’immenses cuves de stockage, appelées gazomètres, furent construites pour recueillir le gaz avant sa distribution dans le réseau de la ville.

 Il est à noter qu’en plus des 4 gazomètres déjà existants, situés au cœur même de l’usine, deux gros gazomètres furent érigés vers 1887 à l’emplacement de l’actuelle place des Romains, donc à moins de 50 mètres de l’ancienne école maternelle de la rue de Courcelles inaugurée en 1888.



Avant l’électricité, le gaz de houille était utilisé pour l’éclairage des rues mais aussi pour les bâtiments publics et certaines usines lainières, car à l’époque les ouvriers y travaillaient 12 heures par jour, 6 jours sur 7, et alimentait quelques maisons bourgeoises (éclairage, chauffage et eau chaude).

L’arrivée de l’électricité va révolutionner l’éclairage public et domestique en cette fin du 19è siècle.


En 1877-1888, une usine de production électrique voit le jour au sein même de l’usine, elle était située à l’angle des rues du Mont d’Arène et Courcelles (anciennement magasin Champion) face au terrain de sport actuel. Cette usine fonctionnait au charbon.

Les lampadaires à lampes incandescentes remplacèrent progressivement les réverbères à bec de gaz mais cela prit quelques années encore jusqu’en 1900.

Peu à peu la technologie des machines produisant de l'électricité va évoluer. C'est ainsi qu'à partir de 1901 jusqu'à 1909 une batterie de 10 nouvelles chaudières fonctionnant au poussier de charbon va produire de la vapeur qui ira actionner les pistons des 6 générateurs électriques produisant ainsi de l’électricité grâce à leurs dynamos « thomson houston », 1800 ampères, 250 volts soit 450 Kva pour l'un d'entre eux.


Les dégâts occasionnés lors de la guerre 14-18 vont être fatals à cette unité de production électrique. Elle va peu à peu être délocalisée de l'autre coté du canal prés du pont de St Brice, à Reims.

Le grand théâtre (aujourd’hui l’Opéra) vit ses 400 becs de gaz remplacés par des lampes à incandescence en décembre 1888.

Le 26 mai 1900, inauguration de la 1ére ligne électrifiée du tramway. (ligne A reliant le faubourg Céres à la Haubette).

Cependant pour promouvoir ce gaz de houille, dit aussi gaz de ville ou manufacturé, de grandes campagnes de publicité apparurent pour inciter particuliers et professionnels à utiliser cette énergie pour le chauffage, la cuisson et l’eau chaude sanitaire.




Néanmoins le bois restait le combustible le plus utilisé, tout comme le charbon, jusque vers 1950.

Il est noté sur un relevé d’hypothèque qu’il existait en 1906 cinq gazomètres, mais dont deux étaient hors-service et servaient de citerne à goudron.


1914-1918, la Première Guerre éclate !

À Reims sur 13 806 immeubles et maisons, seuls 950 sont restés intacts à la fin de la guerre. Le quartier Clairmarais, le faubourg de l’avenue de Laon ont subi des bombardements durant 4 ans. L’usine à gaz n’a pas été épargnée, elle a été totalement détruite, seul subsistait le squelette d’un gazomètre, les grandes cheminées étaient à terre.


Dès 1920, la reconstruction s’opéra. En 1923, selon un plan du site, l’usine à gaz comprenait 57 bâtiments divers et 15 pour la station électrique dont une grande partie de celle-ci fut délocalisée rue de la Victoire, de l’autre côté du canal, quartier Saint-Charles.




Plan du site en 1922



Voici un résumé des constructions que l’on trouvait sur le site Clairmarais, 1 rue des Romains :


  • 4 gazomètres, dits à genouillères (tuyaux d’alimentation articulés), respectivement de 600, 2 000, 4 000 et 10 000 m3

  • 1 gazomètre dit télescopique de 20 000 m3, situé face au café des Romains et sur l’emplacement de l’actuelle place des Romains

  • des cases à charbon desservies par voie ferrée, un bâtiment pour les fours comportant 2 batteries respectivement de 6 et 5 unités, 2 cheminées, une case à coke, une salle d’épuration, 1 salle de laveurs à l’ammoniac, 1 salle de laveurs à naphtaline, des citernes à goudron, une salle de photométrie, des maisons pour les ouvriers (situées le long de la rue des Romains) et un logement pour le concierge et pour le directeur de l’usine, des bureaux, des vestiaires pour le personnel et autres bâtiments techniques, une écurie avec l’habitation du cocher.


Il ne faut pas oublier la salle des machines pour la station électrique et sa chaufferie et cheminée (à l’angle de la rue de Courcelles et de la rue du Mont d’Arène).

Entre les deux guerres, l’usine occupait toujours un vaste terrain de 5 850 m2, seuls les 2 plus gros gazomètres ont été conservés. 


1946 : nationalisation de l’usine.


1954 : un feeder (gazoduc) transportant un gaz dit « de Lorraine » provenant des cokeries des hauts fourneaux alimentait Paris depuis Nancy.

Le 16 novembre 1954, ce gaz à partir d’un raccordement à Bergère-lès-Vertus alimenta dans un premier temps Reims, dans les quartiers à l’ouest du canal : Maison Blanche, Porte de Paris. C’est la fin progressive de l’activité de l’usine qui a fonctionné jusqu’en 1955.


1957 : l’usine est sous la « pioche des démolisseurs ». Seuls subsisteront les 2 plus gros gazomètres et quelques appareils pour la distribution. Pour l’anecdote, les voies ferrées qui desservaient l’usine, d’un poids total de 12 tonnes, ont été vendues aux ferrailleurs.


Pendant ce temps, la compagnie gazière GDF va rendre à la ville, quelques années avant l’expiration de leur bail, des bâtiments et une partie des terrains sur lesquels elle s’était établie.


En effet, dès 1953 était prévu le découpage du site en 3 zones :


  • Les 11 573 m2 ont été rétrocédés à la ville de Reims qui les a revendus aux établissements Mignot (Les Comptoirs français), leur permettant d’accroître leur activité.


  • Un vaste terrain de 31 510 m2 est mis sous le régime de concession publique. Vers 1990-2000, tout le secteur partant de l’arrière de la gare jusqu’à la rue des Romains a été réaménagé, un nouveau plan d’urbanisme est dessiné.

  • De nouvelles rues ont ainsi été créées (rue Gaston Boyer, rue des Docks rémois), des immeubles d’habitation (City 1 en 2012), un supermarché, la Poste et des bureaux. Les hangars de l’ancienne production électrique à l’angle de la rue Mont d’Arène et de la rue de Courcelles ont été occupés par des magasins commerciaux (magasin Champion notamment) avant de laisser place à des immeubles d’habitation (City 2 en 2016-2017).


  • Enfin, un autre terrain faisant partie de l’usine, d’une superficie de 15 417 m2 a été attribué à GDF dans un premier temps puis à EDF pour ses bureaux administratifs et commerciaux dont l’entrée se faisait au 1, rue des Romains.


En 2019 la filiale foncière d’EDF, la Sofilo, a revendu une partie de ce terrain pour laisser place à la création de 340 logements et d’une nouvelle rue (rue des Sœurs Etienne).

De son côté, EDF n’a conservé qu’une partie de ce terrain, le long de la rue Edouard Mignot, terrain destiné à recevoir la direction régionale d’EDF Champagne-Ardenne dans un bâtiment flambant neuf aux couleurs d’EDF : le bleu !


Il aura donc fallu attendre près de 50 ans après la fermeture de cette usine à gaz de houille en 1955 pour que le dernier terrain encore disponible, faisant partie du site (rue des Docks Rémois) soit occupé par le dernier immeuble de bureaux (le Phoenix) dont les travaux d’achèvement sont prévus pour 2024.



Vue du site en 2007


C’est à cet endroit précis qu’en mars 2023, les fondations de l’immense cuve à eau (38 mètres de diamètre, 1,50 mètre d’épaisseur et 6 mètres de profondeur) ayant appartenu à l’un des 2 derniers gazomètres ont été entièrement enlevées pour laisser place à ce dernier bâtiment.

Avant d’entreprendre cette nouvelle construction, le terrain a été dépollué, les terres en fond de fouilles ont été évacuées vers un site de décontamination. À noter que lors du chargement de ces terres dans les camions, une forte odeur comparable à de l’hydrogène sulfuré s’échappait du chantier.


Curieusement, ce sont ces toutes dernières fouilles laborieuses pour cet ultime chantier qui ont révélé l’existence passée de ce site industriel particulier, et qui ont maintenant disparu définitivement aux yeux des habitants du quartier ainsi que des derniers gaziers…



II – Les techniques de fabrication du gaz de ville et le stockage 





Un livre scolaire de 1947 (Librairie HACHETTE), destiné aux élèves de 12 à 14 ans appelés à passer le certificat d’études primaires, nous apprend les techniques de fabrication du gaz de ville. Le cours et les images nous ont semblé particulièrement intéressants pour expliquer le fonctionnement d’une usine à gaz.

En préambule, un petit glossaire pour expliquer quelques termes employés dans notre présentation :

  • Houille : ce terme désigne ce que l’on appelle communément le charbon.

  • Concernant l’extraction du gaz de la houille, plusieurs formules sont employées pour définir le procédé mis en œuvre : gazéification du charbon, distillation de la houille ou combustion anaérobie (combustion sans oxygène).

  • Gazomètre (https://fr.wikipedia.org/wiki/Gazom%C3%A8tre) : ce terme désigne le réservoir de stockage du gaz.




II 1 - Fabrication du gaz de ville à titre expérimental



La production de gaz, à titre expérimental, est réalisée en chauffant, à l’abri de l’air, de la houille (du charbon). L’expérience consiste à enfermer de la houille pulvérisée dans une pipe en terre fermée avec de l’argile après introduction de la houille pulvérisée dans le fourneau de la pipe, pour éviter l’introduction d’air et par conséquent éviter la combustion aérobie du charbon. On chauffe ensuite très fortement le fourneau de la pipe. Il se dégage rapidement du tuyau de la pipe un gaz qui peut être enflammé, c’est le gaz de houille (on parle aussi de gaz de ville parce ce gaz est produit dans les villes).

La houille, dont le gaz a été extrait, est devenue du coke. La houille est transformée à 20% en gaz et 80% en coke qui est revendu en combustible pour le chauffage, ce combustible présentant l’avantage d’être épuré du gaz qu’il contenait.



II- 2. Fabrication industrielle du gaz de ville



Pour la production à grande échelle du gaz de houille, les usines à gaz reprennent le principe énoncé pour l’expérience ci-dessus.

La fonction d’une usine à gaz est d’extraire le gaz du charbon ; le gaz ainsi obtenu était utilisé pour l’éclairage public et le coke était utilisé comme combustible.

La houille est introduite dans de grands récipients en fonte ou en terre réfractaire, nommés « cornues ». La houille est chauffée en vase clos (combustion anaérobie ; on parle aussi de distillation de la houille ou de gazéification du charbon). Le procédé de fabrication génère, en même temps que le gaz, des produits qu’il convient d’extraire (goudron, ammoniac entre autres).

Le gaz sorti de la cornue est donc convoyé vers des appareils où il est épuré pour le rendre propre à la combustion.



  Expérience montrant le fonctionnement du gazomètre par daniel DOMANGE


II- 3. Stockage et distribution du gaz de ville 








Site, 1 rue des des Romains, quartier Clairmarais à Reims Gazomètre "27.3" de 4000m3.


Dès que le gaz est épuré, il est dirigé vers un gazomètre, une immense cloche métallique plongeant dans l’eau ; ce gazomètre est un réservoir de stockage du gaz.

De ce gazomètre part la conduite de distribution devant desservir, via un réseau de canalisations, les abonnés du service de distribution de gaz. Le poids de la cloche, qui est mobile en se déplaçant de haut en bas et de bas en haut (ce type de gazomètre est appelé « gazomètre à colonnes » ou « gazomètre télescopique »), permet de maintenir le gaz à la pression désirée en s’adaptant à la production et à la distribution du gaz.



III - La fin de l’usine à gaz 


Au cours de la deuxième moitié du XXè siècle, les usines à gaz implantées dans les villes ont été arrêtées au profit d’autres sources d’approvisionnement en gaz (pour info, la dernière usine à gaz, en France, implantée à Belfort, a fermé en 1971).

Dans l’est de la France, ce sont, dans un premier temps, les hauts fourneaux des aciéries de Lorraine qui ont alimenté le réseau de distribution de gaz. Le gaz était récupéré à la sortie des gueulards (https://fr.wikipedia.org/wiki/Gueulard ) des hauts fourneaux afin d’être valorisé.

C’est ainsi qu’à Reims, le gaz produit par l’usine à gaz du Clairmarais a été remplacé par ce qui s’est appelé « le gaz de l’Est » dès 1955. Ce gaz était acheminé depuis la Lorraine jusqu’à Paris par un gazoduc passant par Vertus , un autre gazoduc l’acheminait à Reims via Epernay.



Sources : Bibliothèque Carnégie de Reims, Archives municipales et communautaires de Reims, archives départementales de la Marne, BNF, IGN.

Texte et rédaction : collectif Maison de quartier Clairmarais (12- 2023)


 
 
 

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